Le voyage serait une addiction cachée sournoise et vicieuse? C’est un concept tout neuf. Derrière chaque voyageur se cacherait un sombre drogué prêt à tout pour avoir sa dose de dépaysement. L’addiction au voyage porte même un nom. Il s’agit de la dromomanie : une impulsion consciente mais irrésistible de se déplacer.

Le mouvement devient vital. Dans cette société on nous veut fixe, fiable, suivant une droite ligne. La construction d’une vie se veut linéaire et suit un protocole bien précis. On fixe l’humain pour le rendre dépendant et productif. Je crois profondément qu’il reste en nous un nomade enfoui. Nous sommes cet espèce qui explore, découvre et lutte pour son prochain.

J’ai perdu l’habitude de répondre aux grandes problématiques existentielles par des plans détaillés. Comme dans la vie, j’aime les digressions, les bifurcations.

En quoi la le voyage est il une drogue? Tout dépend de notre propre définition d’une drogue. Ce n’est pas juste une substance illicite, juste un problème de plus. Ce n’est même pas forcément quelque chose de négatif dans le cas du voyage. Je suis persuadée que l’art du déplacement déclenche en nous quelque de nécessaire à  l’existence. L’on retrouve quelque chose de millénaire, de l’ordre de l’élan vital.

Avouez, on l’a tous ressenti cette sensation délicieuse dans nos veines lorsque l’on descend de l’avion, lorsque l’on pose le premier pas au sol. Cette odeur si particulière et si différente de celle que l’on connaissait avant. Ce premier réveil dans un pays nouveau et cette excitation neuve à chaque fois de la découverte. On a tous passé des heures à préparer un voyage, à comparer les prix des billets, lire les forums, anticiper, regarder les photos de ces paysages « Amazing » que l’on verra bientôt.  Préparer un voyage est un rituel. On anticipe les sensations. Joli palliatif du réel. On anticipe le plaisir que nous procurera la prochaine escapade.

Vous devez probablement  vous dire mais quel rapport avec une drogue? Fermez les yeux, ah non mince ne les fermez pas vous ne pourrez plus lire et ce serait vraiment dommage . Vous entendez déjà la petite musique de Trainspoting… Imaginez juste votre vie sans voyage. Imaginez juste que l’on vous annonce: « non plus jamais madame ». Ce n’est pas la peine de réserver votre hôtel monsieur pour Kathmandu le ministère des voyages et affaires culturelles ferment toutes les frontières ad vitam aeternam. Passeport confisqué. Liberté effacée. Quelle magnifique dictature. Nous sommes en plein 1984 et  big brother travel is watching you. Évasion plus permise. Quelle magnifique dictature de l’immobilisme! Cela nous paraît très loin de nous. Notre passeport Européen nous ouvrent quasiment toutes les frontières. Cette liberté évidente, ce droit aux voyages beaucoup ne la possède même pas.

Alors comment on se sent? Comme un junkie en manque non? Cela serait une dégringolade, un abysse. L’adrénaline, les sensations du voyage, le sentiment de liberté, quitter un travail aliénant seraient impossibles. La vie serait fade, voire impossible pour d’autres. On se sentirait très vide sans voyages. Bouger sans cesse vient parfois combler un vide. Il faut bien se l’avouer.  Et s’ il se passait la même chose dans notre cerveau lors de nos périples que lors de la prise de stupéfiant?

On serait un peu moins vivant sans les voyages. Il y aurait quelque chose d’éteint. Les perspectives de liberté seraient considérablement atténuées

Voyager c’est mieux que toute la defonce des 60’s et 70´s réunies. C’est mieux que l’amour, plus grand que la liberté. Encore mieux que le shopping avec dépenses illimitées. Une fois que l’on a fait cette découverte on ne peut plus vraiment s’en passer. Je n’arrive même pas à imaginer ma vie future sans voyages. C’est désormais retranscrit dans mon adn, dans chacunes mes de mes cellules. Si je perdais le voyage j’aurai l’impression de perdre quelqu’un. Il fait partie de ma constitution, de mon identité. Je serais fantomatique sans çela.

Paradoxalement on sacrifie tellement de choses pour voyager. On passe à côté d’anniversaires, on dénoue des liens, on se prive. Un peu comme les addicts aux drogues dures finalement. Nous sommes prêt à tout.

Certains voyageurs font des sacrifices financiers tellement grands pour voyager. Ils se privent de tout confort de tout superflu car rien ne leur paraît aussi valable, aussi puissant.  Il est des abysses que jamais rien ne comble. Cela ne vous rappelle rien?

Le voyage est la plus saine des drogues, la moins néfaste à la vie. C’est la drogue qui embellie la vie. On développe tous une addiction: sports, drogues dures, chirurgie esthétique, chocolat, nourriture, café… On ne peut pas toutes les placer sur le même plan. Certaines tuent d’autres rendent vivants.

Nous sommes tellement plus vivant, tellement plus enthousiastes en voyageant. Tellement plus enfantin, léger et humain. Originellement, nous sommes des nomades  pas de tristes sédentaires menant une vie paisible et sans danger. On retrouve quelque chose de très profond, une nature humaine conservée dans notre adn. Cette substance est inactive et nous la redécouvrons en voyageant, en luttant contre les destinées préfabriquées.

Les addicts manipulent, ils utilisent toujours quelqu’un ou quelque chose pour arriver à leurs objectifs. Plus rien d’autres ne comptent. Je ne sais pas si les grands voyageurs arrivent à ce niveau d’égoïsme, ce triomphe de soi, de la réalisation de ses pulsions. Je sais juste qu’on laisse des gens en chemin. Nous sacrifions aveuglément des moments et des personnes comme le font ceux qui font des choix. Nous en avons peu conscience.

Voyager peut s’apparenter à une forme de boulimie parfois. Une forme de craving, de pulsion. Ce n’est pas cela finalement s’accomplir transformer un comportement destructeur en une création, un sacerdoce?

15 Comments

  1. Ma cousine vient de partir pour 4 mois en Nouvelle Zélande. Elle adore voyager. L’année dernière, elle a passé 3 mois dans un périple en Asie.. c’est sa passion. Il est très juste ton article car je reconnais des éléments dont on a parlé avant qu’elle ne parte aujourd’hui même. 🙂

    Aimé par 2 personnes

  2. Je me retrouve dans ton article. Je me prive aussi de certaines choses pour pouvoir voyager encore plus. Mais je ne ressens pas de manque lors de ces « privations », j’ai modifié mes choix de vie. J’adore ça. merci pour ton article.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour ce commentaire intéressant 😊 si tu ressens pas de manque c’est plutôt bien mais en même temps paradoxal car dans toute chose qu’on aime lorsque l’on en est privé il y’a un manque 😊

      J’aime

  3. Bonjour,
    il fut une période où je me déplaçais toutes les semaines, destination les capitales européennes, l’Afrique, l’Asie, le Moyen-Orient… L’aéroport de Toulouse était presque le lieu où je prenais le plus de petit-déjeuners.
    Voyager c’est s’ouvrir, revenir avec un regard autre…
    Je suis surpris quand je rencontre des personnes (en France) qui ne sont jamais allées dans l’autre vallée…

    J’aime

  4. Bonjour,

    Très bel article ! Je me retrouve pleinement dans ce que tu décris ici.
    Cependant, n’a-t-on pas une vision paradoxalement restreinte du voyage en considérant que voyager c’est l’ailleurs lointain ? Voyager n’est-ce pas aussi décider d’adopter un état d’esprit différent et se voir étranger chez soi afin d’en saisir toutes les facettes ?

    Sur cette question que je me pose (et que je développerai un jour dans mon blog tiens…), je te souhaite une très belle année et de beaux voyages haha !
    Florence

    Aimé par 1 personne

    1. Salut florence!merci pour ton message très interessant! Oui c’est sûr j’ai un peu tendance à considéré le lointain comme plus fascinant car plus inaccessible. Je ne sais pas si c’est une mauvaise chose ou pas ! Plus le temps plus je me dis que je ne connais mon propre pays finalement !

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire