C’est le nom que j’ai d’abord voulu donné à ce site. J’avais adoré ce court poème et sa symbolique:

« Tout homme est tiraillé entre deux besoins. Le besoin de la Pirogue, c’est-à-dire du voyage, de l’arrachement à soi-même, et le besoin de l’Arbre, c’est-à-dire de l’enracinement, de l’identité. Les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l’un, tantôt à l’autre jusqu’au jour où ils comprennent que c’est avec l’Arbre qu’on fabrique la Pirogue. »

Il reflète le paradoxe ultime du voyageur. L’arbre enraciné à sa terre et sa droiture. Il s’eleve durablement vers le ciel. Son évolution est lente mais constante. Il est dur, solide et profond. La pirogue est faite du bois de l’arbre mais elle est construite pour naviguer. Elle est faite pour aller loin, voguer en toute liberté. Elle est un élan vers la vie. Son chemin n’est pas tracé d’avance.

 Souvent l’on ne sait pas si l’on est arbre ou pirogue, sédentaire ou nomade. On admire la sédentarité pour la stabilité, l’équibre, tout en sachant que cette vie n’est pas pour nous. Moi j’aime les soubresauts, les circonvolutions, les pulsions soudaines vers la vie, les changements. J’adore  l’exaltation du voyage, l’inconnu, la découverte. Juste acheter un billet d avion, savoir que l’on part, avoir le coeur qui bat un peu plus fort que d’habitude.

 La sédentarité et le nomadisme sont deux choses a priori contradictoires, deux désirs aux antipodes qui en réalité sont tributaires  l’un de l’autre. La pirogue n’existerait pas  sans le bois de l’arbre. On ne souhaiterait pas partir  si l’on avait pas eut un point d’ancrage, si l’on avait pas eu cette belle stabilité durant l’enfance.

Plus l’on grandit, plus les émotions deviennent complexes et ambivalentes. On veut une chose et son contraire ou simplement tout à la fois. On aimerait etre   un chêne solide mais paradoxalement ses racines sont prisonnières de la terre. Ces choses souterraines nous retiennent. L’on se ment en se disant que si d’autres le peuvent nous le pouvons également mais nous finirons  étouffés.

Le voyage au long cours implique des renoncements, de vrais sacrifices et emmene son lots de regrets. Nous n’aurons jamais pris racines, nous ne laisserons pas de traces. Nous n’aurons pas pris le temps de voir venir les saisons, rien ne sera nait de nous. Quel regard porterons nous sur notre histoire quand nous serons vieux d’une vie que nous avons voulu intense et insctinctive. Tellement instinctive, que nous aurons juste suivi nos pulsions, nos coeurs et qu’elle nous aura méné vers une forme d’individualimse farouche.

On ne parle jamais de la culpabilité du voyageur. La culpabilité de ne pas se sentir à la hauteur de ce que demande la société. Passer à coté de moments de vies. Passer à coté de la vie des autres. On voit  naître en soit un conflit interne ; suivre les valeurs inculquées ou  les désirs instinctifs.

Et si voyager était une vocation? Certaines professions sont des vocations. Certains se sentent appelés par un métier. Ils savent instinctivement qu’ils sont faits pour exercer une activité. Ils se sentent utiles, nécessaires. Ils ont trouvé leurs places. Et si l’on pouvait   etre né juste pour voyager?  Si l’on était fait pour le mouvement permanent , les cycles et les moments. On a besoin de d’oser, changer et évoluer. On part à la recherche du grandiose du meveilleux. Je crois à l’appel du voyage. C’est une vraie passion voire  une addiction. La plus addictive de toutes, car tout sevrage est impossible.

On recherche tous un sens à notre existence. On lutte contre l’absurdité. Pour certains donner la vie est une manière de donner un sens à sa propre existente. Pour d’autres voyager est une quète de sens. Au fond on recherche tous la meme chose. Voyager rend vivant et libre. C’est pour cette raison  que ce blog s’est finalement appelé affranchie. Le voyage libère.

On connaît tous le livre de Jack London L‘appel de la forêt.  Un chien domestique est vendu et devient chien de traineau, en pleine nature il revient à ses instincts, ce pourquoi il est fait : la nature. L’appel de la liberté existe, j’en suis sure mais paradoxalement on peut désirer s’enraciner dans un lieu et se sentir profondément relier et attacher à d’autres personnes. On peut désirer rentrer dans le rang, se ranger et se normaliser. Par périodes, on peut meme désirer une maison, une vie calme et le lendemain ne plus tolérer aucunes habitudes et se sentir mourrir à petit feu par ce meme enracinement. Je comprends ces gens qui désirent la stabilité, une famille, des moments simples. Je trouve cette image d’épinal magnifique. Comme une belle carte postale d’un pays étranger. Rapidement cette pensée devient étouffante. Ce sont deux pulsions opposées coexistant en une même personne.

L’enracinement est un luxe. C’est une chance de venir d’un lieu, se sentir d’une origine, appartenir à un autre. Savoir d’où l’on vient, de qui l’on vient mais sans savoir vers où l’on va est la liberté ultime. Certains aimerait avoir quelque chose à quitter.

Nous sommes une génération avec des choix multiples. On est même « gâtés pourris » de choix. Trop de possibilités tue les possibilités. Des choix de vies sont nombreux, simplement nous ne  tracons plus  nos routes mais empruntons des chemins alternatifs faussement avant gardistes. Il faut en avoir conscience.

Nous sommes nombreux à avoir ces choix. Ce luxe incroyable de pouvoir decider de sa vie. Nous avons le privilège de l’ambivalence.

C’est quand la vie devient trop pesante, trop lourde que l’on désir s’échapper à la recherche de légèreté, d’une joie simple de vivre. Tuer ce que la société et la civilisation ont falsifié  en nous pour revenir à quelque chose de plus authentique.

Ce n’est pas simple tous les jours de gérer ses contradictions. Ces conflits entre la nouveauté et l’habitude, l’aventure et la stabilité nous animent tous. Si l’on est attentif l’une prend souvent le dessus, et elle, la pirogue, devient une évidence.

28 Comments

  1. J’aime beaucoup vos publications 💙💙💙💙 Avec les photographies avec, ça donne vraiment envie de les lire 👌👌😘⚘

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  2. Merci pour cet article. En effet vivre dans l’ambivalence n’est pas aisé quand on se sent tiraillé entre l’arbre et la pirogue. Le passage sur la culpabilité du voyageur résume bien cette difficulté et la souffrance qu’on peut en ressentir. En tout cas, ça me parle.

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  3. La pirogue est une évidence pour moi aussi. Les racines, je les ai eues, je les ai appréciées mais je ne désire pas en créer de nouvelles. Parce que là où je me sens le mieux, c’est dans la pirogue, à la découverte des gens, de leurs façons de vivre et de rire, de me montrer d’autres choses qui feront écho à mon coeur.
    Alors même si je me suis attachée attachée une personne en particulier, je sais qu’il me faut reprendre la pirogue de temps en temps, pour éviter l’implosion…
    Une douce lecture que celle de ce billet… je te souhaite donc la pirogue aussi, parce qu’on y est si bien… 😍

    Jul’

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  4. Ces paradoxes, je les ai tellement vécus. Ton article me parle énormément. Le pire a été lors de mon séjour linguistique à Malte pendant 5 mois. Au départ, j’étais malheureuse d’être sans mes racines puis je m’en suis créée de nouvelles… mais j’ai toujours ressenti cette espèce d’ambivalence. Ce besoin de retourner chez moi, avec mes proches et l’envie de rester là où j’étais car mon chemin n’était pas fini. Le dernier jour de ce séjour, une amie hollandaise m’avait proposé un brunch pour me dire au revoir. Mon ventre était en lambeau. Impossible de manger ni de respirer… Je me souviens que lorsque je suis partie, j’ai eu l’impression de perdre une partie de mon coeur. C’était terrible… J’ai toujours eu du mal avec les « fins »… Aujourd’hui, je me comprend mieux et comprend ma réaction.
    Tout cela pour dire qu’il est difficile de ne pas être « tenaillé » lorsque l’on est expat…
    A bientôt,
    Jessica

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