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On imagine ce récit de vie écrit d’une seule traite. Comme un seul long souffle de vie. Une vie brève, inachevée mais intense. Eugenia écrit dans une cellule. La dernière pièce de sa vie. Sa mort est proche et elle le sait. Cette cellule est comme un huis clos face à elle même.
Eugenia est une héroïne affranchie, une vraie. Impossible d’être comme elle, aussi lucide,désintéressée et libre de toute idée préconçue. Elle a fait de l’intégrité et l’honnêteté un art de vivre. Il ne s’agit pas seulement de l’honnêteté pour autrui. Il s’agit de l’honnêteté pour soi même:Vivre en totale cohérence avec ses idéaux, ses principes. Elle a éliminé de sa vie les faux semblants, les beaux discours théoriques.

Eugenia a 29 ans et va mourrir. Elle est née dans une famille d’intellectuels russes. Elle aurait pu se contenter des postures faussement généreuses vis à vis des classes opprimées. Elle sait d’instinct que les principes de révolte et révolution aboutissent à la soumission du révolté. Un gouvernement en remplace un autre. Les révoltés d’hier deviennent les oppresseurs d’aujourd’hui. Un idéal révolutionnaire cesse de l’être au moment où il s’instaure comme une norme. Une nouvelle hiérarchie s’installe alors. La vraie révolution humaine et sociale n’aura jamais vraiment lieu.

Sa liberté elle part la conquérir. Eugenia deviendra elle même son propre idéal de liberté. Elle part vivre dans la rue et sera une vagabonde comme les autres. À la differences des destins vagabonds, elle a fait ce choix de vie consciemment. Elle a besoin d’expérimenter par sa propre peau la dure vie de la classe sociale qu’elle considère comme réellement rebelle: les laissés pour compte de la société. Elle considére la classe ouvrière sous tutelle du parti communiste. La vérité doit être totale même si elle demande de l’abnégation.
Pour elle rien de pire que les contradictions et le mensonge à soi. Par fidélité pour son idéal social, celle qui considère qu’ au lendemain de la révolution russe les communistes ont déjà trahi leurs propres idéaux, ira jusqu’à vivre dans la rue,  mendiante parmi les mendiants. Une vie de vagabonde libre l’attend. Elle croit en l’humanité. Eugenia pense que tout homme est foncièrement innocent. Il n’est que la somme d’une infinité d’incidents et hasards. Ainsi elle pardonne aux assassins de son mari car elle les considère comme irresponsables et manipulés.
On peut ne pas être d’accord avec elle, penser qu’elle va trop loin. On a le droit de réfléchir à l’opposé mais elle reste une inspiration pour s’être opposée à Staline et avoir vécu une vie totale et libre.
Elle meurt fusillée en 1931 dans le goulag des îles Solovki. C’est une heroine qui voulait ne pas en être une. Une subversive, révoltée sans dieux, ni maître, ni esclave.
C’est Olivier Rollin qui a donné un second souffle de vie à Eugenia en nous faisant parvenir  ce récit sublime. Rien de plus beau que de faire découvrir un récit bouleversant aux autres…

22 Comments

    1. Merci Ca me fair plaisir😃Si tu és à Paris je peux le prêter! Je ne sais pas quelle place elle aurait eu dans notre société…je pense que c’est aussi l’époque qui construit les individus… Je pense que les hommes et les femmes de cette trempe sont rares de nos jours…

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  1. Dans mon enfance déjà, je me disais toujours : « comme ce serait bien que nous soyons, moi et tous les autres êtres humains, transparents, comme du verre, et qu’on puisse voir entièrement, comme à travers une vitrine, toutes nos pensées, tous nos désirs,

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  2. Bien bien. J’ai déjà des tas de lecture en attente, les livres sont en colère tant je les laisse trainer haha mais là, là tu viens de me donner envie de doubler la file d’attente pour rencontrer cette dame.
    Merci de la découverte, et bravo pour ce très joli texte en plus.

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